Vous connaissez sans doute ce poème de Francis Jammes,
«J'aime l'âne si doux», souvent appris dans les écoles (extrait du recueil "De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir" paru en 1898). Francis Jammes est né en 1868 à Orthez (Pyrénées-Atlantiques). Il a composé plusieurs autres poèmes sur l'âne, notamment un «Prière pour aller au Paradis avec
les ânes».

- Marchant le long des houx.
- Il prend garde aux abeilles
- Et bouge ses oreilles;
- Et il porte les pauvres
- Et des sacs remplis d'orge.
- Il va, près des fossés,
- D'un petit pas cassé.
- Mon amie le croit bête
- Parce qu'il est poète.
- Il réfléchit toujours.
- Ses yeux sont en velours.
- Jeune fille au doux coeur,
- Tu n'as pas sa douceur:
- Car il est devant Dieu
-
L'âne doux du ciel bleu.
-
- Et il reste à l'étable,
- Résigné, misérable,
- Ayant bien fatigué
- Ses pauvres petits pieds.
- Il a fait son devoir
- Du matin jusqu'au soir.
- Qu'as-tu fait jeune fille?
- Tu as tiré l'aiguille...
- Mais l'âne s'est blessé:
- la mouche l'a piqué.
- Il a tant travaillé
- Que ça vous fait pitié.
- Qu'as-tu mangé, petite?
- - T'as mangé des cerises.
- L'âne n'a pas eu d'orge,
- Car le maître est trop pauvre.
- Il a sucé la corde,
- Puis a dormi dans l'ombre...
- La corde de ton coeur
- N'a pas cette douceur.
-
- Il est l'âne si doux
- Marchant le long des houx.
- J'ai le coeur ulcéré:
- Ce mot-là te plairait.
- Dis-moi donc, ma chérie,
- Si je pleure ou je ris?
- Va trouver le vieil âne,
- Et dis-lui que mon âme
- Est sur les grands chemins,
- Comme lui le matin.
- Demande-lui, chérie,
- Si je pleure ou je ris?
- Je doute qu'il réponde:
- Il marchera dans l'ombre,
- Crevé par la douleur,
- Sur le chemin en fleurs.