"Le 1er Mai 1984, en nous promenant dans la forêt, nous avons trouvé au pied d'un arbre une affreuse petite boule rose recouverte d'un léger duvet, on aurait dit une orange moisie ! Mais ça bougeait... Nous l'avons recueillie et il s'est avéré que c'était un jeune rapace tombé du nid.
Nous avons commencé par l'élever dans une cage, que nous étions obligés de changer souvent de taille car l'oiseau en question grandissait très vite. Cette vilaine
petite boule est devenue une chouette hulotte, très belle et très apprivoisée. Nous l'avons sortie de la cage et l'avons d'abord gardée à la maison. Nous la nourrissions exclusivement de viande
et lorsque nos chats tuaient des souris ou des oiseaux, nous les lui donnions. Elle est restée pendant deux mois dans la maison (les chouettes ne font pas beaucoup de saletés, heureusement !) et
elle nous suivait partout, faisait des câlins à nos deux chats et dormait à plat ventre (eh oui !) sur un coussin à côté d'eux. Le soir, si nous regardions la télévision, elle s'installait sur
les genoux de l'un d'entre nous et regardait aussi. Elle aimait également beaucoup jouer avec des chiffons qu'elle cachait un peu partout.
Ensuite, nous l'avons laissé sortir dans le jardin et elle restait là à nous regarder, elle ne nous quittait jamais des yeux (les chouettes ne dorment pas dans la
journée, elles somnolent un peu de temps à autre c'est tout). Nous avons un jardin de 1.200 M2 qui est planté de grands arbres, sapins, épicéas, seules, tilleuls, etc... et elle se tenait presque
toujours sur le même sapin. Elle s'appelait Charlie et dès que nous l'appelions, elle arrivait à tire‑d'aile (1 mètre d'envergure). Lorsque nous déjeunions, elle venait s'installer sur une
épaule et nous regardait manger. Le soir elle partait, nous ne savions pas où elle allait mais elle quittait le jardin. Tous les matins elle était de retour et attendait que je lui donne à
manger. Elle m'aimait beaucoup, pour elle j'étais sa mère car j'étais la seule à lui donner à manger matin et soir. Quelquefois, elle mettait trop de temps le matin pour descendre de son arbre
et comme je travaille et que j'étais pressée, je montais jusqu'en haut du sapin, le boeuf bourguignon sous le bras pour lui donner à manger ; à ce moment là elle me faisait la fête encore plus
qu'en bas, elle frottait sa tête dans mon cou et lorsqu'elle avait mangé et que je redescendais de l'arbre, elle était installée sur ma tête !
Elle aimait beaucoup détacher les épingles du linge qui séchait et cacher le linge sous les buissons. Lorsqu'il pleuvait ou simplement lorsqu'elle avait envie de
rentrer dans la maison, elle frappait à une porte avec son bec.
Le samedi elle s'installait sur l'épaule de Nicolas pour aller à l'école avec lui. Elle faisait le tour des classes et Laurent les accompagnait et expliquait aux
enfants tout ce qu'il savait sur les chouettes. Les instituteurs étaient ravis et les enfants donc !!! Tout le village la connaissait, les gens venaient la voir et souvent lui apportaient des
souris...
Malheureusement, au mois de Novembre, nous sommes partis une semaine dans les Hautes Alpes, dans le Queyras. Comme nous ne pouvions pas emmener Charlie (nous n'étions pas partis en vacances cet été pour ne pas l'abandonner), nous l'avons laissée et maman venait lui donner à manger matin et soir. Mais elle ne voulait pas manger dans sa main comme elle le faisait avec moi et laissait presque toute sa viande. Elle s'est beaucoup ennuyée de nous, et lorsque nous sommes revenus, nous avons bien vu qu'elle nous en voulait. Elle nous a fait très peu d'amitiés, et le lendemain de notre retour, elle est partie.
Vous ne pouvez pas savoir combien nous avons eu de la peine ; finalement, je crois que c'est moi qui en ai eu le plus et même maintenant j'ai encore envie de
pleurer quand je pense à tout cela.
Mais une nuit, entre Noël et le jour de l'An, nous l'avons entendue crier dans le jardin, puis cogner très fort contre les volets. Il était deux heures du matin,
nous sommes vite allés lui ouvrir, elle était folle de joie, allait de l'un à l'autre, même vers les chats. Vous ne pouvez imaginer à quel point nous étions heureux ! Elle n'avait pas faim et n'a
pas voulu manger. Elle était juste venue nous voir, puis elle est repartie et nous ne l'avons plus jamais revue. "
Mme J. ROUX